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l’atteinte aux intérêts d’une société qui découle du délit d’abus de biens sociaux constitue, non pas un dommage propre à chaque associé, mais un préjudice subi par la société elle-même, Cassation 05-85083

Action civile de la société est la seule recevable en abus des biens sociauxl’atteinte aux intérêts d’une société qui découle du délit d’abus de biens sociaux constitue, non pas un dommage propre à chaque associé, mais un préjudice subi par la société...

Attendu que l’atteinte au capital ou aux intérêts d’une société susceptible de découler du délit d’abus de biens sociaux constitue, non pas un dommage propre à chaque associé, mais un préjudice subi par la société elle-même ;
Attendu que, pour condamner Alain X… déclaré coupable d’abus de biens sociaux au préjudice de la société Clinique du tertre rouge à payer à Patrick Z…, associé de cette dernière société, un euro de dommages-intérêts, en réparation de son préjudice personnel, l’arrêt énonce que la partie civile “a vu ses intérêts mis en jeu par le comportement fautif” du prévenu ;
Mais attendu qu’en prononçant ainsi, la cour d’appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et du principe ci-dessus rappelé ;
Par ces motifs : CASSE et ANNULE
Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 13 septembre 2006, 05-85.083

 

 

 

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le treize septembre deux mille six, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire LEMOINE, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

– X… Alain,

contre l’arrêt de la cour d’appel d’ANGERS, chambre correctionnelle, en date du 26 mai 2005, qui, pour abus de biens sociaux, l’a condamné à un an d’emprisonnement avec sursis, 5 000 euros d’amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l’article L. 242-6 du code de commerce civil, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

“en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Alain X… coupable du délit d’abus de biens sociaux ;

“aux motifs que, suite à la plainte déposée contre André Y… pour abus de biens sociaux, le tribunal correctionnel du Mans a condamné ce dernier pour abus de biens sociaux au préjudice notamment de la SA Soclimaine, en conséquence d’abus portant sur les loyers dus notamment à la SA Soclimaine ; que dans le cadre d’un litige opposant les actionnaires entre eux, le docteur Z… a saisi le juge d’instruction en déposant une plainte avec constitution de partie civile à l’encontre du prévenu alors gérant de la société anonyme du ” Tertre Rouge “, anciennement dénommée Soclimaine, pour abus de biens sociaux et abus de pouvoirs ; qu’en effet, le tribunal correctionnel du Mans avait condamné le 1 er juillet 1996, André Y…, responsable de la société Alphamed, qui, dans le cadre de prise de participation majoritaire a causé un préjudice aux actionnaires de la société du Tertre Rouge (Soclimaine), notamment à verser une somme de 2 017 850,45 FF à ladite société ; que devant la cour d’appel, Alain X… représentant la SA du ” Tertre Rouge ” a renoncé à sa demande de dommages-intérêts suite à un protocole d’accord signé avec André Y… ; que le docteur Z…, associé de Soclimaine, n’a pu obtenir de renseignements sur ce protocole ; que cette situation a conduit ce dernier à suspecter une absence de contrepartie, voire l’octroi d’avantages injustifiés au profit du prévenu ; que le docteur Z… a utilisé différentes voies pour obtenir les renseignements désirés : saisine du tribunal de commerce du Mans, lettre au procureur de la République, lequel saisissait le Bâtonnier de l’ordre des avocats ; que la partie civile était avisée qu’une somme de 1 342 850 FF avait été versée à Alain X… sur un compte Carpa, lequel était débité au moyen de six chèques postérieurement
au désistement, entre juillet et novembre 1997 ; que ces sommes ne figurent pas dans les comptes de la SA Soclimaine devenue SA du ” Tertre Rouge “ ; que le protocole daté du 28 novembre 1996, en raison duquel Alain X… s’est désisté devant la cour d’appel de sa demande de dommages-intérêts contre André Y…, qui ne comprend pas de liste exhaustive des concessions réciproques des parties, a pour objet de mettre un terme aux différents contentieux existant dont la liste est rappelée au jugement déféré ; que par cet acte, signé par Alain X… en son nom et en celui de la société Soclimaine, la SA Soclimaine est incluse dans un renoncement à toute action contre Y… et les sociétés de son groupe alors qu’elle n’est engagée dans aucune procédure directement ou indirectement ; Que le prévenu argue du fait qu’il a obtenu l’accord du conseil d’administration de la SA ” Tertre Rouge ” pour se désister de ses demandes devant la cour d’appel, comme cela résulte d’un procès-verbal dudit conseil du 10 novembre 1996 ; que toutefois, le conseil a fixé à ce désistement une condition, savoir que le prévenu obtienne du docteur Y…, condamné, en sa qualité de dirigeant de la SCI du ” Tertre Rouge “, propriétaire des murs où est exploitée la clinique du ” Tertre Rouge “, l’édification d’une extension indispensable à la poursuite d’activité moyennant une hausse de loyer de 10%, l’investissement étant réalisé par le bailleur ; que cette condition constitue le mandat reçu par le prévenu (D 49) ; que force est de constater que cette conditions n’était pas réalisée lors du désistement de l’action civile devant la Cour puisque le prévenu ne disposait que d’un accord de principe sous réserve de la signature d’un nouveau bail et des conséquences financières à déterminer ; que force est encore de constater que le prévenu a signé à titre personnel un protocole d’accord aux termes duquel la société Soclimaine se trouve incluse sans contrepartie pour elle, puisque aucun litige ne l’opposait au docteur Y… et à son groupe ; qu’au contraire, à titre personnel, Alain X…, cédant de parts sociales à Alphamed (docteur Y…) se trouvait engagé dans un contentieux de garantie de passif accordé lors de la cession de ses actions à Alphamed ; que dans ces conditions, l’abandon de sa demande de dommages-intérêts est contraire à l’intérêt social, puisqu’à tout le moins, la société Soclimaine perdait toute possibilité d’obtenir de Y… réparation du préjudice que la société estimait avoir subi de la part de ce dernier dans le cadre des loyers qui lui étaient dus au titre de la location-gérance de SGCM, ce qui appauvrissait son patrimoine ;

qu’il ne peut valablement être soutenu que la société Soclimaine ne pouvait plus réclamer à la SCI une somme quelconque en vertu du protocole d’accord du 4 juin 1992, que par cet acte, la société Parholding garantissait la société Otal et Alphamed notamment de la renonciation définitive et le désistement de toutes instances et de toutes actions à l’égards de la société Otal, de la société Alphamed des sociétés de son groupe et des personnes physiques appartenant à son groupe ; que cet acte auquel la SA Soclimaine n’était pas partie constitue une promesse de porte-fort qui n’engageait cette dernière société qu’en cas d’acceptation de cette clause, que la preuve de cette acceptation n’est ni fournie ni soutenue, que dans ces conditions la SA Soclimaine n’était pas juridiquement engagée par cet accord ; que la but manifestement recherché par le prévenu était d’une part de se dégager des instances dans lesquelles il était personnellement recherché, ce qui est le cas de la garantie de passif qu’il a concédé à Alphamed le 23 avril 1990, lors de la cession de ses actions à la société Otal, objet d’un contentieux en cours ; qu’il a admis lui-même, comme le docteur Y… que le compromis du 28 novembre 1996 avait aussi pour but de vendre les actions qu’il possédait encore de la société holding Otal et d’autres praticiens, alors que ces actions ne représentaient qu’un intérêt moindre ; que, compte tenu des cessions intervenues, la société Otal ne détenait plus que des parts de SCI ; que cet intérêt personnel a guidé Alain X… qui a agi volontairement ; qu’en sa qualité de PDG de la SA Soclimaine (devenue du Tertre Rouge), il ne pouvait ignorer que la société n’était engagé dans aucun litige directement ou indirectement ;

qu’en excédant le mandat que le conseil d’administration lui avait donné qui, rappelons le, autorisait ce désistement d’instance à la conditions d’obtenir de Y… l’autorisation de réaliser l’extension des locaux de la clinique à ses frais moyennant une hausse de loyer de 10%, alors qu’il n’avait qu’un accord de principe à des conditions financières à déterminer au moment de ce désistement, il savait qu’il ne pouvait se désister, ce qu’il a pourtant fait, pour les raisons exposées ci-dessus, il n’avait non plus mandat d’inclure la SA Soclimaine dans un acte de renoncement à toutes actions contre Y…, les personnes physiques ou morales de son groupe ;

“alors que, le délit d’abus de biens sociaux n’est pas constitué quand les faits, commis dans le cadre d’un groupe de sociétés, n’ont pas gravement obéré la situation de la société victime et ont été bénéfiques au groupe ou à l’une des sociétés le composant ; qu’en l’espèce, la Cour a rappelé que par acte du 4 juin 1992 la SA Alphamed a cédé les SA Soclimaine et clinique Pasteur à la société Parholding, laquelle s’était engagée, aux termes de l’acte de cession, à garantir que ces deux sociétés, devenues ses filiale à 95 %, renonçaient à réclamer à la SGCM les redevances de location gérance pour le mois de juin 1990 ainsi qu’à toute instance ou action à l’égard de la SCGM et donnaient quitus définitif de leur gestion à leurs anciens administrateurs, de sorte que la société Parholding se trouvait exposée à des dommages intérêts au cas où ses filiales ne ratifiaient pas ses engagements ; qu’en cet état, la Cour se devait de rechercher, comme d’ailleurs elle y était invitée par les conclusions d’Alain X…, si la clause d’abandon réciproque de toutes instances et actions insérée dans le protocole d’accord signé le 28 novembre 1996, apparemment peu avantageuse pour la société Soclimaine qui renonçait à sa constitution de partie civile, n’était pas conforme à l’intérêt social de la société mère Parholding et partant aux intérêts des sociétés du groupe” ;

Attendu que, faute d’avoir été proposé devant les juges du fond, le moyen mélangé de fait, est nouveau et, comme tel, irrecevable ;

Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 225-252 du code de commerce, 201 du décret du 23 mars 1967, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, manque de base légale ;

“en ce que l’arrêt attaqué a condamné le docteur X… à verser à la société anonyme du Tertre Rouge la somme de 307 508,79 en réparation de son préjudice et celle de 1 à Patrick Z… ;

“aux motifs, d’une part, que, sur l’action ut singuli, la partie civile demande la condamnation du prévenu au paiement de la somme de 2 017 125,45 francs, soit 307 508,79 avec intérêts de droit au 1er juillet 1996 et la somme de 5 000 au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale ; que le prévenu demande à la Cour de prononcer l’irrecevabilité de cette action faute d’avoir mis en cause la société, qu’il considère que cette mise en cause ne peut être implicite comme le soutient la partie civile, d’autant qu’Alain X… ne serait plus PDG de la SA ” clinique du Tertre Rouge ” ( anciennement Soclimaine) lors des débats devant la Cour, ce qui était le cas devant le tribunal du Mans ; que la société Soclimaine était nécessairement représentée par Alain X… qui en était le dirigeant devant le tribunal correctionnel du Mans dans le cadre de la procédure soumise à la Cour, puisque c’est précisément en qualité de dirigeant de la société Soclimaine que sa responsabilité pénale était recherchée ; qu’il est soutenu qu’il ne serait plus aujourd’hui le président directeur général de la SA du ” Tertre Rouge “, mais qu’aucune justification n’est produite au soutien de cette affirmation ; que la Cour dispose des justificatifs pour accorder à la société, en réparation de son préjudice la somme de 307 508,79 ;

“et aux motifs, d’autre part, que, sur l’action personnelle de Patrick Z…, il sera alloué la somme de 1 conforme à sa demande, en réparation du préjudice personnel de la partie civile qui a vu ses intérêts mis en jeu par le comportement fautif d’Alain X… ;

“alors, d’une part, que les écritures d’Alain X… ayant rappelé qu’aux termes des dispositions de l’article 201 du décret du 23 mars 1967, lorsque l’action sociale est exercée par un ou plusieurs actionnaires individuellement, le tribunal ne peut statuer que si la société a été régulièrement mise en cause par l’intermédiaire de ses représentants légaux ; l’arrêt attaqué, qui s’est borné à affirmer que la société était représentée par le prévenu a omis de répondre aux conclusions du demandeur et méconnu les dispositions susvisées ;

“alors, d’autre part, que le demandeur rappelait également que l’actionnaire d’une société victime d’abus de biens sociaux n’est pas recevable à obtenir réparation de son préjudice personnel, de sorte que l’arrêt attaqué qui a cru pouvoir accorder 1 de dommages-intérêts à Patrick Z… en réparation de son préjudice personnel a derechef omis de répondre aux conclusions du demandeur et n’a pas légalement justifié sa décision” ;

Sur le moyen pris en sa première branche ;

Vu l’article 201 du décret n° 67-236 du 23 mars 1967, sur les sociétés commerciales ;

Attendu que, selon ce texte, lorsque l’action sociale est exercée par un actionnaire individuellement, le tribunal ne peut statuer que si la société a été régulièrement mise en cause par l’intermédiaire de ses représentants légaux ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que Patrick Z…, actionnaire de la société Clinique du tertre rouge, s’est constitué partie civile au nom de cette société, dans les poursuites exercées pour abus de biens sociaux contre Alain X…, son président ;

Attendu que, pour écarter l’exception d’irrecevabilité de cette constitution de partie civile, prise de l’absence de mise en cause de la société, l’arrêt infirmatif attaqué se borne à énoncer qu’elle était nécessairement représentée par Alain X… devant le tribunal correctionnel dès lors que la responsabilité pénale de ce dernier était recherchée en sa qualité de dirigeant ;

Mais attendu qu’en prononçant ainsi, alors que la citation à comparaître délivrée au dirigeant en exercice de la société, en qualité de prévenu, ne vaut pas mise en cause de la société par l’intermédiaire d’un de ses représentants légaux, la cour d’appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et du principe ci-dessus rappelé ;

D’où il suit que la cassation est encourue ;

Et sur le moyen, pris en sa seconde branche ;

Vu l’article L. 242-6, 3 et 4, du code de commerce ;

Attendu que l’atteinte au capital ou aux intérêts d’une société susceptible de découler du délit d’abus de biens sociaux constitue, non pas un dommage propre à chaque associé, mais un préjudice subi par la société elle-même ;

Attendu que, pour condamner Alain X… déclaré coupable d’abus de biens sociaux au préjudice de la société Clinique du tertre rouge à payer à Patrick Z…, associé de cette dernière société, un euro de dommages-intérêts, en réparation de son préjudice personnel, l’arrêt énonce que la partie civile “a vu ses intérêts mis en jeu par le comportement fautif” du prévenu ;

Mais attendu qu’en prononçant ainsi, la cour d’appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et du principe ci-dessus rappelé ;

D’où il suit que la cassation est, à nouveau, encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l’arrêt susvisé de la cour d’appel d’Angers, en date du 26 mai 2005, en ses seules dispositions relatives à la recevabilité des constitutions de partie civile, toutes autres dispositions étant maintenues ;

DIT n’y avoir lieu à RENVOI ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel d’Angers, sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L. 131-6, alinéa 4, du code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Lemoine conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

 

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